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Kung fu, wushu, shaolin, wing chun… ? – Interview avec le maître

P1020115… enfin avec l’élève de l’élève de l’élève du maître! Ou peut-être avec mon maître, haha?! Bref, avec Raphaël qui a commencé à pratiquer un art martial chinois appelé wing chun il y a environ 2 ans. Après s’être entrainé presque quotidiennement pendant tout le voyage, il vient de suivre un cours intensif de wing chun dans la ville de Foshan, près de Guangzhou (Canton). J’ai demandé à Raphaël de répondre à quelques questions afin d’en apprendre un peu plus sur ce sport… ou plutôt cet art?

POUR COMMENCER QUELQUES DEFINITIONS ET EXPLICATIONS

Les arts martiaux chinois sont communément appelé kung fu en occident, transcription du mot mandarin gōngfu; le terme wushu est utilisé en Chine pour désigner les arts martiaux en tant que sport de démonstration.

Les arts martiaux chinois ont un commun une dimension philosophique voire religieuse qui va bien au-delà de la simple pratique sportive. Donc pour un pratiquant le développement du mental est tout aussi important que la progression technique. Il s’agit également d’améliorer son potentiel d’énergie vitale – le qi. Un autre aspect essentiel est la transmission du savoir par un ‘maître’ – appelé sifu – à son élève; il n’y a pas de ‘niveaux’ définis par des fédérations internationales comme pour le karaté (originaire du Japon) ou le taekwondo (de Corée) par exemple. Il existe beaucoup de types de kung fu différents, les plus connus étant:

Boxe shaolin: Elle est à l’origine de tous les arts martiaux chinois. Selon la légende, au 5ème S, le moine bouddhiste indien Bodhidharma aurait enseigné ce qui est devenu la boxe shaolin aux moines du monastère de Shaolin afin qu’ils puissent se défendre contre les animaux et les brigands qui rôdaient. Aujourd’hui la boxe shaolin est surtout utilisée comme sport de démonstration et intègre notamment des ‘combats’ avec des armes tels bâtons, sabres ou lances….

Wing chun : Selon une des versions expliquant ses origines, le wing chun – qui  signifie ‘printemps éternel ‘ en mandarin – viendrait du nom d’une jeune fille à qui une nonne bouddhiste a enseigné des techniques de combat pour battre son mari en duel, il y a environ 3 siècles. lp Man (1893-1972), originaire de Foshan, est considéré comme le plus grand maître du wing chun; c’est lui qui en le simplifiant et le modernisant un peu a largement contribué à la notoriété et la diffusion de cet art martial, en Chine, à Hong Kong et en occident. Un but recherché dans l’exercice du wing chun est le parfait équilibre entre force et souplesse. Toute pratique passe par l’apprentissage de 3 enchainements de base (appelé tao) composés de mouvements très précis de parade et d’attaque; rien que la maîtrise de ces formes de base requiert un long travail de répétition afin de comprendre et d‘intégrer la logique physique et anatomique de ces mouvements. Le débutant en wing chun commence à travailler le tao tout seul; uniquement une fois qu’il maîtrise parfaitement la première forme peut-il passer à la suivante. Une fois les 3 formes maîtrisées, il peut commencer à s’entrainer sur une espèce de ‘poupée en bois’ (=wooden dummy, emblématique du wing chun), voire à effectuer les mouvements avec un partenaire. Les pratiquants très avancés peuvent être initiés au maniement de 2 types ‘d’armes’ (bâton ou double-couteau), il n’y a néanmoins pas de ‘combats’ en tant que tels dans le wing chun.

Jeet Kune Do: C’est la forme de kung fu développée par le célèbre acteur sino-américain Bruce Lee. Elle est basée sur le wing chun; Bruce Lee était l’élève à Hong Kong du grand maître Ip Man.

Tai chi : Il est attribué à un moine taoïste du monastère de Wudang Shan, qui l’aurait développé au 13 èmeS après avoir observé le combat d’un serpent et d’une grue (le serpent a réussi à se protéger des attaques de la grue grâce à des mouvements fluides et sinueux). Le taichi, aux gestes lents et fluides, est considéré comme un art martial ‘interne’ et insiste sur le développement d’une force souple et dynamique par opposition à la force physique pure.

INTERVIEW DE RAPHAEL

Comment en es-tu venu à pratiquer le wing chun?
Il y a environ 2 ans j’ai éprouvé le besoin de trouver une activité qui me permettrait de travailler le physique et le mental, et m’aiderait à me ‘recentrer’. Les arts martiaux chinois avec leur dimension physique et spirituelle, et notamment l’importance du concept du qi, m’ont attiré. Après avoir visionné des vidéos YouTube sur le sujet, je me suis décidé à appeler une école de wing chun  à Bâle dont j’avais vu le numéro sur un autocollant collé sur une voiture. Le sifu de cette école s’appelle Peter Preszmecky et a été l’élève de Wang Kiu, lui-même élève de Ip Man, le grand maître du wing chun. Ce fait m’a plu et j’ai trouvé l’ambiance de l’école sympa; j’ai donc commencé à y prendre des cours régulièrement, une à deux fois par semaine.
Ce que j’aime particulièrement dans cet art martial, c’est que malgré le fait qu’il requiert beaucoup de discipline et de respect envers le sifu, il se pratique dans une ambiance relaxe et amicale, loin du coté ‘militaire’ et belliqueux qu’on a peut-être tendance à associer avec des sports de combat.

Tu as choisi de suivre un entrainement intensif de wing chun pendant 10 jours – pourquoi, et pourquoi dans la ville de Foshan?
J’ai eu envie de ramener de ce grand voyage quelque chose en plus des milliers d’impressions acquises dans les différents pays; je voulais apprendre quelque chose que je ne pourrais pas avoir chez nous. Comme on a choisi de passer 2 mois en Chine je me suis dis que j’aimerais en profiter pour améliorer ma pratique du wing chun dans son pays d’origine. Foshan, près de Canton, s’y prêtait tout naturellement ; le wing chun est fortement associé à cette ville, puisque c’est la ville d’origine de Ip Man. Sur internet j’ai trouvé des infos sur les différentes écoles de wing shun à Foshan et j’en ai choisi une.

Peux-tu nous en dire plus sur cette école? Comment s’est passé to premier cours?
C’est une école fondée par Long Gai, un des 7 élèves de Ip Man à Foshan. Maintenant c’est le fils de Long Gai qui est le sifu principal. Ce qui me plait bien c’est qu’il s’agit d’une école très ‘chinoise’ où il y a peu d’occidentaux; le défi c’est que quasiment personne ne parle anglais et que toute la documentation qu’on m’a demandé d’étudier est en caractères chinois! Mais l’ambiance en est d’autant plus authentique, et fort sympathique.
Lors de mon premier cours le sifu n’était pas là mais d’autres élèves plus avancés se sont occupés de moi. On m’a demandé de présenter la forme de base du wing chun, le siu lim tao, que je travaille depuis près de 2 ans. Ils ont souri après que je l’aie exécuté en disant ‘Hong Kong kung fu’! En fait la forme de wing chun que j’ai apprise à Bâle est celle enseignée par Ip Man plus tard lorsqu’il habitait à Hong Kong. La forme qu’il enseignait à Foshan est plus ancienne et plus complexe, mais les différences sont minimes. Dès lors en cours je me suis entrainé à perfectionner mon siu lim tao-version Foshan avec d’autres débutants, sous l’œil inquisiteur du sifu qui venait me corriger et me conseiller de temps en temps.

Comment tu décrirais cette expérience de la pratique du wing chun à Foshan?
Ça m’a beaucoup plus. J’ai l’impression d’avoir eu accès à un enseignement très précieux – vu que le savoir se transmet uniquement de maître à élève, et qu’à Foshan je me suis vraiment senti à la source de cet art. En même temps c’était frustrant car j’ai réalisé à quel point je n’étais qu’un débutant, tout juste au seuil de ce grand temple qu’est le wing chun! Les progrès sont lents, rien que la maîtrise des 3 enchainements de base demande des années de pratique. Mais cette expérience à Foshan m’a motivé à continuer ma pratique et m’a donné de quoi travailler pendant un moment.

Quel est ton but à long terme dans ta pratique du wing chun?
Il ne peut pas vraiment y avoir de but dans le wing chun, c’est un apprentissage continuel. Je compte continuer à pratiquer cet art martial tant que j’y prendrai du plaisir et trouverai que ça me fait du bien.

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Raph, d’autres élèves et leur sifu dans la salle d’entrainement de l’école