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Ashgabat ou la folie des grandeurs

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Avant de parler d’Ashgabat, j’aimerais vous toucher 2 mots sur le Turkménistan, le pays le moins connu et le moins visité d’Asie Centrale. On a vite compris pourquoi c’était le cas d’ailleurs: Les Turkmènes n’accordent que des ‘transit visa’ de 5 jours aux touristes. (Avec un visa plus ‘long’ il faudrait être constamment accompagné d’un guide.)

Après l’écroulement de l’Union Soviétique, le Turkménistan (‘pays des Turkmènes’, une tribu de nomades venus du nord-est qui a commencé à peupler l’actuel Turkménistan au 11ème S) est devenu indépendant sous la présidence de l’ancien secrétaire du parti communiste Saparmyrat Niyazov. Celui-ci a rapidement fait preuve d’une mégalomanie assez unique. Il a commencé par se débarrasser de toute opposition, museler les médias, se faire appeler ‘Turkmenbashi’ (leader des Turkmènes), faire construire des statues en or à son effigie dans tout le pays, écrire le ‘Ruhnama’ – une espèce de guide spirituel que tous Turkmènes se devaient d’avoir lu (s’ils l’avaient lu 3x ils allaient directement au paradis!!) –, remplacer les noms des mois de l’année par les prénoms des personnes de sa famille (!) et plein d’autres petites lois sympathiques du genre! Quand Turkmenbashi est mort en 2006, Gurbanguly Berdymukhamedov, le député premier ministre lui a succédé ; c’est le président actuel et il est à peine moins grave que son prédécesseur!

Le plus grand, le plus fou, le plus beau cadeau de Turkmenbashi à son peuple est la ville d’Ashgabat. La capitale du Turkmenistan, fondée par les Soviétiques au 18ème S et dévastée par un tremblement de terre en 1948 a presque entièrement été reconstruite par Turkmenbashi, grâce aux revenus du gaz et du pétrole. Ashgabat est surement la ville la plus ‘étrange’ que j’ai pu voir de ma vie – un mélange de Las Vegas (mais sans la vie) et de Pyongyan (mais en plus moderne). La ville est construite entièrement en marbre blanc avec un nombre incalculable d’énormes bâtiments publics stériles (ministères, universités, complexes sportifs, musées…), de monuments les plus étranges célébrant l’indépendance/ la neutralité/ l’identité Turkmène/ Turkmenbashi… Il y a aussi des milliers et des milliers de fontaines à Ashgabat! Et plein de jardins, irrigués en permanence ! Alors que cette ville se trouve en plein désert et qu’il y fait 45°C en été! Un gâchis ahurissant qui va forcément mener à une n-ème catastrophe écologique dans la région. « Voilà ce qui arrive quand tu donnes des milliards à un chamelier!», comme dirait Raph! Ce qui est carrément glauque c’est que personne ne semble profiter de toute cette grandiloquence! Il n’y a pas de vie à Ashgabat ! Les seuls personnes qu’on voit en journée sont des jardiniers, des agents d’entretien (même l’intérieur des poubelles publiques est nettoyé!) et des policiers (tous les 50m il y en a un planqué dans un buisson!)

N’empêche que l’on a rencontré des gens fort gentils à Ashgabat. Impossible de parler politique avec eux et d’essayer de comprendre ce qu’ils pensent vraiment de leur pays, mais on a énormément apprécié leur sens de l’accueil et de l’hospitalité, et leur aide… et j’avoue qu’après notre mois de (quasi) abstinence en Iran, ça a été bien sympathique de descendre quelques bières et vodka avec eux!

Au fait, vous savez qui était un des meilleurs amis de Turkmenbashi (au point qu’il lui a même fait la faveur de traduire son Ruhnama en français!!) ‘Notre’ Martin Bouygues! He oui, Bouygues a décroché des contrats pour des milliards et des milliards à Ashgabat et a construit une bonne partie des bâtiments de la ville! Quand de telles sommes sont en jeu, on peut bien fermer l’œil sur certaines pratiques peut-être un peu totalitaires 😉
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Entrée d’Ashgabat en arrivant de la frontière iranienne; ‘Monument of Independence’

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L’un des nombreux écrans géants montrant le président actuel; arrêt de bus – ultra moderne et clean

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Juste deux parmi les centaines de monuments complètement dingos d’Ashgabat

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Mais on s’est aussi bien marré à Ashgabat – par exemple, en nous déguisant en Turkmènes et en jouant du ‘dutar’ dans la superbe maison ‘typique’ de mon ancien collègue Syngenta Rakhman

The farmers of Turkmenistan

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Melon grower near Ashgabat; Farmer working in a cotton field near Turkmenabad

sDSC04272We didn’t spend much time in Turkmenistan (we only had a 5-day transit visa) and I didn’t have a chance to ‘interview’ a farmer. However, I was lucky enough to meet with Rakhman Mukhiev, a former ‘colleague’ of mine! Rakhman used to be the (only) Ciba/Syngenta representative in Turkmenistan from 1997 to 2010 (when Syngenta closed its business there.) Rakhman spent many years talking to the farmers of his country and was in a great position to answer my questions about farming in Turkmenistan.

What are the main crops grown in Turkmenistan?
During the Soviet Union, Turkmenistan’s agriculture was characterized by the monoculture of cotton. But this situation began to change rapidly after 1990, when the government started to stimulate wheat production in order to achieve a higher degree of national food self-sufficiency. Today the main crops are winter wheat, cotton, a bit of rice, a bit of sugar cane, and some vegetables and fruits (potatoes, melons…) About 50% of the cotton we produce is exported to countries around the world – so is a small part of our wheat. Please note that we also have a significant amount of livestock production (for milk and meat).

What are the main natural challenges for agriculture in Turkmenistan?
Turkmenistan is a very arid country and agriculture is totally dependent of irrigation. Therefore only about 5% of the country’s surface can be used for agriculture. Most of the water comes from the Amur Darya river. (I read that Turkmenistan diverts more than 30% of the total flow of Amu Darya for its use.) Water is exclusively owned by the state, which ensures delivery and quality. Water is available very cheaply to the farmers and there are no volume charges. (I read that this was a problem since farmers had no financial incentive to use water efficiently and that indeed water wasn’t used very efficiently in Turkmenistan.)

How is farming organized in Turkmenistan nowadays? Is there a private sector?
In crop protection, many measures from Soviet times are still valid today. The ‘collective farms’ have been abolished though. Most farmers are grouped as ‘farmer association’ and lease their land. For the main crops, they receive their orders from government. They also buy their input from government and sell their harvest to government. There is only a private sector for fruits and vegetables.

What do you think is the main challenge of the Turkmen farmer?The fact that the state controls so much of the agriculture sector. Many farmers have almost no decisive power on what they produce, which seeds they use, when they harvest, etc. They do get 50% discount on the inputs they buy from the state, but they can’t chose the products. At least regional farmer associations can write letters to the Ministry of Agriculture asking for some specific products. But in the end it’s the Ministry who decides, tendering for products between companies from various countries. As there is less money around today as there was a few years ago, the government often just buys the cheapest products and not the ones that work best. Moreover, the farmers have to sell their harvest to the government at quite a low price.